La petite abeille qui faisait peur à l'éléphant
Au secours, une abeille! Une légende voudrait que les éléphants aient peur des souris, mais c'est en vérité les abeilles qui terrifient les pachydermes... Une découverte que des scientifiques espèrent pouvoir mettre à profit pour protéger des récoltes de la fureur des éléphants, et ces derniers de la vengeance des paysans...
En Afrique, de nombreux éléphants vivent en dehors des espaces protégés des parcs nationaux, et dans des pays comme le Kenya, les conflits entre humains et éléphants sont fréquents: un seul éléphant affamé est capable de détruire en une seule nuit toute la récolte d'une famille.
Lorsque c'est la saison, les paysans passent donc des nuits entières à monter la garde dans leur champ pour empêcher les éléphants de venir s'en prendre aux récoltes, armés de torches enflammées, tandis que les enfants tapent comme des sourds sur des pots et casseroles pour effrayer les intrus...
Souvent, cela ne suffit pas, et parfois des éléphants sont abattus par des villageois excédés. D'autres fois, ce sont des éléphants en furie qui tuent des humains, et sont ensuite victimes de représailles.
Un cycle de violence qui pourrait bien être trouver une solution, grâce aux abeilles, estime Lucy King, chercheur en comportement animal, dont l'étude a été publiée dans l'une des revues de la Public Library of Science, organisme américain de publications scientifiques à but non lucratif.
Elle a découvert que les éléphants mis en présence d'abeilles émettent des signaux d'alarme à basse fréquence, ce qui lui a donné l'idée de la mise en place de "barrières d'abeilles" pour protéger les récoltes: les paysans pourraient installer des ruches tous les dix mètres autour de la zone à protéger. Un câble les reliant pourrait se mettre à secouer la ruche à l'approche d'un pachyderme, dérangeant les abeilles, qui se mettraient alors à s'agiter.
Le bourdonnement de la ruche déplait tellement à l'éléphant qu'il prend non seulement la fuite, mais émet des vibrations inaudibles pour l'oreille humaine mais mettent en garde les autres éléphants des environs, ajoute Mme King.
"Il est impossible de recouvrir l'Afrique de clôtures électrifiées", ajoute-t-elle, estimant que ce système des "barrières d'abeilles" pourrait "être une meilleure manière d'éloigner les éléphants des récoltes".
Son constat est basé sur deux expériences distinctes, dans le cadre d'un projet de l'Université d'Oxford et "Save the Elephants". Dans la première, elle a fait fuir des éléphants en diffusant des bourdonnements d'abeille près d'eux. Et même les éléphants éloignés du bruit prenaient leurs distances, laissant penser que les animaux communiquaient entre eux de manière indétectable par les humains.
Une intuition ensuite confirmée avec l'installation de microphones ultra-sensibles dans le parc Samburu au Kenya, dispositif qui a permis à Lucy King d'enregistrer ces signaux d'alarme puis de les rediffuser aux éléphants.
Mme King estime qu'il faudra encore du temps avant de pouvoir passer de la théorie à la pratique. Mais elle espère bien pouvoir avoir trouvé la solution aux quelque 1.300 plaintes de contact entre éléphants et villageois enregistrées chaque année par le Service de la faune du Kenya (KWS)